Enseignement Supérieur au Sénégal: Tendances

  Publié le 19 Déc 2011 08:12

Depuis 2001, l’Etat sénégalais a engagé la réforme du sous secteur de l’enseignement supérieur, intégré au Programme Décennal de l’Education et de la Formation (PDEF), avec la mise sur pieds d’une commission « Carte universitaire » chargée de proposer un schéma directeur d’élargissement de l’accès au supérieur et une diversification de l’offre de formation, articulés à une décentralisation qui devait désengorger la principale université, Cheikh Anta DIOP, aux effectifs insoutenables, et faire monter en puissance l’université Gaston Berger.

Une option stratégique fut prise qui a consisté à dessiner une nouvelle carte universitaire décentralisée s’appuyant sur une profonde réforme en plusieurs pans :
– Une Carte Universitaire planifiée dans l’espace et dans le temps ;
– une professionnalisation de l’enseignement et de la formation ;
– une diversification des filières et des établissements ;
– une valorisation des ressources nationales et régionales ;
– un élargissement de la gouvernance des structures de l’enseignement supérieur aux représentants du monde du travail et des collectivités locales ou décentralisées ;
– Une spécialisation des universités régionales et des Collèges Universitaires Régionaux avec des dominantes ;
– Un portage académique des nouvelles structures ( Université de Thiès, Université de Ziguinchor, Université de Bambey) par des Universités-Ressources comme l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et l’Université Gaston Berger de St-Louis (UGB) ;
– Une implantation de Collèges Universitaires Régionaux (CUR) dans toutes les régions administratives du Sénégal et dans les pools économiques, avec des formations Bac-2 et Bac+2 ;
– Une utilisation intensive des TIC pour des formations à distance et pour le pilotage ;
– Une orientation vers le développement économique des nouvelles universités : filières scientifiques et technologiques, filières de gestion, de transport maritime et aérien et professionnalisation des filières actuelles de droit et de lettres.

Les effets positifs de l’augmentation des TBS des autres sous-secteurs de l’éducation (élémentaire, moyen et secondaire), conséquence des énormes efforts budgétaires de l’Etat pour l’éducation (40% du budget de fonctionnement), ont fortement accru la demande d’accès au supérieur. En effet, entre 2001 et 2008, le nombre de bacheliers a plus que doublé, passant de 9159 en 2001 à 22438 en 2007 et à 20476 en 2008. Depuis trois ans, la moyenne se situe à 20000 par an. Cette forte tendance à la hausse des bacheliers va se poursuivre avec un rythme de progression de plus en plus soutenu au fur et à mesure que se développe le TBS au moyen secondaire général. La demande d’accès au supérieur en deviendra encore plus forte.

La faible capacité d’accueil de l’UGB (environ 750 bacheliers par an) et des trois nouvelles structures crées dans le cadre de la nouvelle carte universitaire n’a pas encore permis de stabiliser les effectifs de l’UCAD, même si depuis 2008 ceux-ci ont commencé une petite baisse, passant de 60 000, environ, en 2007 à environ 56 500 en 2009.
Dans la volonté des autorités d’élargir l’accès et d’atteindre les ratios de l’UNESCO pour le nombre d’étudiants, la question de la faiblesse des taux d’admission des filles au supérieur public doit être aussi considérée. Le pourcentage des filles tournait autour de 34 % de l’effectif global en 2007, avec une disparité entre les facultés (en Médecine elles étaient près de 38% des effectifs contre 17% en Sciences), alors que dans le Privé on frise la parité avec 11154 filles contre 12164 garçons.

L’enseignement supérieur privé s’est aussi fortement développé entre 2000 et 2008. Selon les résultats de la campagne statistique de 2007-2008 du MESCURU/DES, les effectifs du Privé, avec 23318 étudiants, représentant environ plus de 22% des effectifs globaux, estimés à 91359. Ce qui en fait un secteur fondamental dans l’élargissement de l’accès au supérieur et dans l’amélioration de la pertinence de notre enseignement supérieur par les formations offertes.
Cependant, les disparité observées au Sénégal entre les disciplines et les séries doivent être revues dans le sens d’une inversion des proportions, d’une part entre le baccalauréat technique et le baccalauréat général (1325 bacheliers techniques contre 18549 environ pour le bac général en 2009) et, d’autre part, entre littéraires et scientifiques au sein du baccalauréat général (environ 39488 candidats littéraires contre 18534 des séries scientifiques pour l’année 2009).

Dans les années à venir -2010-2014- et dés 2010, démarrera la construction de l’université des Métiers à Saint-Louis, de l’université de Kaolack, du Collège Universitaire Technologique de Diamniadio et des Collèges Universitaires Régionaux de Matam et de Louga. Ce qui renforcera le maillage régional de l’Enseignement supérieur.
Cet élargissement quantitatif, qualitatif et spatial de l’offre de formation participe aussi de la volonté de l’Etat de mettre à la disposition de l’économie sénégalaise et de l’Afrique les ressources humaines nécessaires à leur développement. Car la croissance économique, dans les sociétés du savoir, ne passera que par l’éducation et par la formation.
Surtout que les statistiques montrent bien que le Sénégal est loin d’avoir atteint, en matière d’accès, les ratios des pays développés ou émergents avec un peu moins de 100000 étudiants. En effet, alors que dans les pays occidentaux le nombre d’étudiants pour 100 000 habitants varient entre 3 500 (France) et 6 000 (Canada, Etats-Unis), le Sénégal, avec moins de 100 000 étudiants, se situe à un peu moins de 950 étudiants pour 100 000 habitants, en retenant la norme des 2% de la population, notre pays aurait dû avoir au moins 200 000 étudiants.

Au vu de toutes ces considérations, l’enseignement supérieur sénégalais doit faire face, de manière décisive, aux principaux défis suivants :
1 – Pour l’accès :
-Elargir l’accès au supérieur sans entamer la qualité du système ;
-Décentraliser et diversifier l’offre de formation ;
-Evaluer la faisabilité des CUR pour en stabiliser les missions de formation ;
-Assurer un développement quantitatif et qualitatif des Etablissements Privés d’Enseignement Supérieur (EPES) ;
-« Normaliser » les effectifs de l’UCAD en renforçant les capacités d’accueil des autres universités

2 – Pour la qualité :
-Bâtir la pertinence, l’efficacité et l’efficience du sous secteur par l’adoption généralisée du LMD ;
-Revoir la configuration actuelle (+60% de séries littéraires) des profils des bacheliers dés le Moyen secondaire ;
-Faire l’audit académique des Etablissements privés d’enseignement Supérieur (EPES) ;
-Installer l’Assurance qualité dans les pratiques institutionnelles et académiques; -Renforcer les filières scientifiques, technologiques et professionnelles.

3 – Pour le financement :
-Augmenter la part des bénéficiaires dans les coûts de formation ;
-Mobiliser des ressources additionnelles pour un financement viable ;
– Modifier la structure actuelle des dépenses qui laisse apparaître +65% pour le social et – 35% pour l’académique.

4 – Pour la gestion et le pilotage :
-Améliorer fortement la gestion, la gouvernance et le pilotage de l’Enseignement supérieur;
-Instaurer un système de suivi évaluation des réformes et des plans stratégiques;
-Concevoir une vision à long terme, une stratégie claire et un tableau de bord pour le sous secteur.

Atteindre de tels objectifs exige des moyens financiers supplémentaires et une plus grande rationalité dans l’utilisation des ressources disponibles. Or, il apparait que ce financement n’est pas toujours soutenable par les budgets publics, même si les crédits alloués à l’enseignement supérieur par l’Etat sont importants : +24 % des crédits du secteur de l’éducation, entre 2005 et 2009, ce qui en fait le deuxième sous –secteur par le volume de financement après l’élémentaire. Néanmoins, l’expertise avérée des techniciens et des acteurs du sous secteur, adossée à la grande volonté politique de l’Etat de développer l’Enseignement supérieur comme support de l’émergence économique, permettra sans doute de relever tous ces défis.