Normaliser l'enseignement Supérieur

  Publié le 08 Juin 2011 03:06

Le Sénégal est loin de s’aligner aux normes internationales. Des données statistiques confirment le retard du pays dans le domaine de l’enseignement supérieur.
Les conditions d’études et d’enseignement dans le supérieur ne sont pas réunies. Le Syndicat autonome des enseignants du Sénégal (Saes), dans les conclusions des « Assises de la normalisation du fonctionnement de l’enseignement supérieur » relève une litanie d’écueils qui piquent- et qui continuent de plonger l’Université- dans une situation quasi-inextricable. Les enseignants notent une « inadéquation entre l’espace physique et la population qu’il abrite« . Rien que pour l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), « 60 087 étudiants, 1143 enseignants et 1200 personnels administratifs, techniques et de services (Pats) cohabitent sur une superficie de (seulement) 72 hectares répartis entre le campus pédagogique et le campus social« . Une promiscuité qui s’amplifie de d’année en année, alors que les autorités peinent à combler le déficit d’infrastructures, quoique les nouvelles universités à Thiès, Bambey, Ziguinchor et d’autres en cours, aient tenté de répondre à la forte demande. Entre 1992 et 2005, les effectifs ont augmenté de 5,7% par an. Une évolution fulgurante qui n’a pu être accompagnée, simultanément, d’une politique de désengorgement. Ce qui fait dire au Saes que l’Université est « malade de sa surcharge » due à l’augmentation annuelle moyenne du nombre de bacheliers (qui) serait de 18,56%. Ce semblant de « trop plein » d’étudiants cache, cependant, le non respect des normes internationales.
Hors Normes
L’université Cheikh Anta Diop et sa ruche estudiantine donnent à croire que le Sénégal doit revoir à la baisse les effectifs dans l’enseignement supérieur. Au point que l’accès est devenu rigoureusement sélectif, ces dernières années. Pour 2010, 30 000 nouveaux bacheliers (20 000 littéraires et 10 000 scientifiques) ont dû frapper fort les portes des différents départements pour être entendus. Mais le Sénégal s’éloigne davantage si l’on se réfère à la projection des statistiques qui prévoient 50 802 nouveaux bacheliers pour la rentrée 2015, si la tendance se maintient. En vérité, selon le Saes, c’est moins le surpeuplement de l’université de Dakar que le retard accusé dans la construction de nouvelles infrastructures d’accueil au niveau du Supérieur. Il est vrai que l’Ucad étouffe, mais elle est loin de se rapprocher des normes internationales. Le nombre total d’étudiants (en 2008, plus de 60 000 pour l’enseignement supérieur public et 21 759 pour l’enseignement supérieur privé) est nettement inférieur au standard de l’Unesco qui recommande la barre de 2% de la population totale d’un pays. En clair, l’enseignement supérieur sénégalais devrait compter 250 000 étudiants sur les 12 millions d’habitants. La Banque mondiale a récemment estimé à 4% le taux d’accès à l’enseignement supérieur au Sénégal, là où le seuil requis est de 50% pour un pays qui aspire à devenir émergent. C’est la masse critique qui permet de produire des « personnels qualifiés et compétents pour assurer son développement« . Celle-ci n’existe pas encore et elle est valable pour nombre de pays africains.
Enseignants immobiles
Si le gouvernement du Président Wade a augmenté les salaires des enseignants du supérieur, il demeure que les conditions de recherche ne sont pas des meilleures. La recherche étant un domaine de mouvement, ceux du Sénégal se plaignent d’être immobiles. « Nous ne bougeons pas. L’enseignant a droit à un seul voyage d’études tous les deux ans« , déplore le Secrétaire général du Saes, Seydi Ababacar Ndiaye. Le Professeur Libasse Diop ne s’explique pas que même pour les per diem, certains enseignants restent un an sans les percevoir. C’est la question de la motivation qui se pose d’autant que, explique le Pr Diop, « les enseignants prennent parfois de leur propre argent » pour assister aux grands rendez-vous du savoir comme les conférences. Les syndicalistes s’insurgent également contre la « vacatairisation » des postes qui « ne facilite pas l’évolution » de la sécurité sociale de l’enseignant et « n’encourage pas la recherche » alors que l’avancement de l’universitaire sénégalais est presque « exclusivement tributaire » de ses résultats de recherche. Toutes choses qui font dire aux enseignants que « le système d’enseignement supérieur est finalement l’otage d’un Etat qui tarde à se doter de politiques claires.